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Le quotidien d'un directeur d'école
16 janvier 2006

Après-midi des punis

Bizarre. Des journées se passent sans qu’un seul élève me soit envoyé au bureau. D’autres fois, c’est carrément l’inverse. Est-ce une effet de la météo, de la conjonction de certaines planètes, de l’influence des programme TV de la veille, du film du dimanche soir ou que sais-je encore ?

Cet après-midi, ce fut un défilé ininterrompu. C’est comme si les collègue s’étaient donné le mot pour que je ne sois pas seul un instant. C’est vrai, je pourrai m’ennuyer.

Dommage, car la panne de téléphone me laissa un répit tout relatif, vu le nombre de personnes connaissant mon numéro de portable.

Ce fut pour commencer, une histoire à régler avec plusieurs de nos élèves bien connus qui s’étaient battus sur le chemin de l’école. Ayant à faire, eh oui il m’arrive d’essayer de débarrasser la paperasse qui finit par encombrer mon bureau, j’appliquai la méthode mise au point après quelques expériences. Ayant entendu les différentes parties – au nombre de cinq- je leur fis justement remarquer que leurs versions étaient contradictoires et que n’étant pas un témoin direct de leurs différends, je ne pouvais me prononcer. Ce qui fait qu’ils furent donc dans l’obligation de se concerter pour arriver à se mettre d’accord sur une seule version.

J’avoue que cela demanda un peu de temps. Le temps qu’il me fallut pour régler le problème d’un élève ayant perdu les clefs de chez lui sur le chemin de l’école, celui d’enfants malades pour lesquels il fallut prévenir les parents – ne nous plaignons pas nous n’en sommes qu’à la gastro, pas à la grippe aviaire – ainsi que les soucis des parents qui malgré mes nombreux rappels n’avaient toujours pas fait calculer leur tarif de cantine 2006 , dont les enfants ne pouvaient en théorie plus être accepter au restaurant scolaire (c’est le mot politiquement correct pour cantine) pour des raisons toutes meilleures les unes que les autres et qui me suppliaient de leur accorder un délai de grâce.

Mais la méthode porta ses fruits. Ils arrivèrent à verbaliser leur conflit, reconnurent leurs erreurs et acceptèrent, pour les coupables, les sanctions proposées.

Pendant ce temps, attendait dans l’entrée du bureau , un garçon récidiviste qui assez précoce, il faut le reconnaître, s’ingéniait à poser ses mains sur la partie du dos qui perd son nom chez les camarades filles de sa classe. Je dois dire que l’expérience acquise lors des séances de prévention des abus sexuels réalisés lorsque j’avais charge de classe me furent d’une utilité précieuse pour trouver les mots justes en pareille circonstance. Espérons que la leçon portera ses fruits.

Il fut immédiatement remplacé par un allergique aux langues vivantes que le maître accompagna dans mon bureau. Effectivement, cet élève ne supportait pas les cours d’anglais et faisait tout son possible pour manifester sa réprobation de façon visible et sonore auprès de notre intervenante. Etant moi-même rétif à l’apprentissage de la langue de Shakespeare, je ne pouvais que compatir intérieurement mais dut tout de même lui infliger un sermon sur la nécessité de s’ouvrir au monde extérieur, sur l’intérêt qu’il aura à pouvoir communiquer avec d’autre personnes étrangères et sur le fait que c’est un enseignement obligatoire et c’est comme ça !

Mais déjà attendaient d’autres candidats : un élève partant pour la piscine mais ayant décidé de suivre un autre chemin que celui proposé par la maîtresse et qui donc se retrouva en séance de natation théorique dans une autre classe avec quelques exercices de conjugaison. Même pas le verbe " ne pas nager ", c’est à désespérer des nécessaires motivations et ancrages dans la réalité indispensables cependant à une construction pérenne des apprentissages.

Il était accompagné d’un camarade qui remettant en doutes la parole de sa mère qui lui affirmait que c’était aujourd’hui, n’avait pas voulu prendre ses affaires de piscine. N’étant pas sur place, elle ne pouvait lui apporter et ce fut une leçon de lecture – c’est un de nos seuls non-lecteur au CM2- dans mon bureau. Elle lui fut certainement plus profitable que l’ambiance saturée de décibels du vestiaire, les cris sous la douche, les allers retours dans le grand bassin, les attentes tremblotantes sur le bord de la piscine et cerise sur le gâteau les chips et sodas avalés pour compenser les pertes énergétiques sues à cette intense activité. Pour l’apprentissage de la lecture, s’entend.

Ajoutez à cela, le travail ordinaire : les coups de fils pour réserver les sorties, pour prendre les rendez-vous avec les parents qui ne sont toujours pas venus chercher les livrets de leurs chérubins. Le courrier à ouvrir, les mails à consulter, les réunions d’équipe éducative pour nos élèves intégrés à préparer, la maman perturbée à rassurer et vous aurez une idée toute approximative de l’après-midi d’un directeur.

Vous remarquerez que cette ambiance change le ton de la chronique…

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