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Le quotidien d'un directeur d'école
25 novembre 2005

Journée incidents et parents

         Y’a des jours comme ça ! Premier incident . Un enfant se fait bousculer certainement involontairement et se retrouve avec une lèvre supérieure très enflée et de légères égratignures. On me l’envoie au bureau et j’ai toutes les peines du monde à le consoler pour qu’il puisse réintégrer la classe. Il reviendra me voir plusieurs fois dans la journée mais je ne peux malheureusement rien faire.  Suite en soirée.

         Peu avant la pause méridienne –eh oui, on dit comme ça dans l’éducation nationale- l’intervenante de musique arrive très  en colère dans mon bureau, suivie de deux élèves de cp et de la maîtresse. On vient de retrouver dans la poche de l’un d’entre eux          son lecteur enregistreur de mini disque qui a l’air abimé après avoir été forcé.

         Il faut du temps pour que ces deux enfants reconnaissent avoir dérobé l’appareil. Auparavant, ils auront essayé d’en accuser un troisième qui vraisemblablement n’était pas dans le coup, essayé de s’accuser mutuellement, de nier tout pour finir par admettre leur vol.

         Après avoir avoué leur larcin : l’un l’a pris et l’a passé à l’autre qui l’a illico fait disparaître dans sa poche, il nous faut maintenant décider d’une stratégie. L’histoire semble assez grave, vu leur jeune âge, et nous décidons de rencontrer les parents.

         La mère du premier responsable peut venir pratiquement immédiatement : elle se confond en excuses, est prête à prendre en charge tous les frais occasionnés par la remise en état de l’appareil, promet de sanctionner sévèrement son enfant et en parlera avec l’orthophoniste qui le suit. L’enfant essaye de nouveau de mentir : il oscille entre la fiction et la réalité, la vérité et le mensonge et ne semble pas accorder plus de crédit à l’un ou à l’autre. La maîtresse s’inquiétait déjà beaucoup et cette histoire renforce nos craintes. Il faudrait certainement mettre en place un suivi psychologique et nous le conseillons à la mère.

         A la sortie du soir, c’est une maman en colère d’avoir récupéré son enfant à la lèvre boursouflée qui surgit dans mon bureau. Elle sera difficile à calmer. Elle veut absolument rencontrer les parents de l’agresseur, s’inquiète de ne pouvoir dormir de la nuit après sa journée de travail et nous accuse de faire de la discrimination en ne traitant pas les problèmes de la même façon quand son fils est victime ou coupable. Il est difficile de rejeter de pareilles accusations et il y faut beaucoup de patience et de persévérance. Elle a         énormément de mal à comprendre que la maman de l’agresseur potentiel puisse être une maman comme elle, soucieuse de son enfant et sa bonne éducation. J’organiserai une rencontre entre les deux mamans. Je ne le fais pas toujours car c’est une situation à risques. Elle repartira après presque une heure de palabres enfin calmée.

         J’attendrai assez tard le père du deuxième larron. Il arrive de son travail et semble très remonté contre l’école et beaucoup moins contre son enfant. Pourquoi le dérange t-on pour ça ?  De quel droit accuse t-on son fils  alors qu’il n’a fait qu’accepter ce que son camarade lui donnait.  Si cela est arrivé, c’est qu’il y a un défaut de surveillance ! Pourquoi s’en faire puisque son fils est assuré ? De toute façon, il est comme ça et ne veut pas changer, etc… J’en passe et des meilleures.

         Ce sera l’occasion d’une grande leçon d’instruction civique. Oui, c’est grave car l’enfant savait –contrairement à son camarade- pertinemment ce qu’il faisait. Non, la maîtresse ne peut avoir les yeux partout. Non, l’assurance ne couvrira pas s’il s’agit d’un vol. Oui,  il  mérite une sanction importante. Oui, un signalement sera fait auprès de l’inspection qui décidera de la suite à donner. Oui, nous nous inquiétons beaucoup pour son enfant. La discussion n’en est pas vraiment une, plutôt un échange de monologues. Là aussi, il faudra du temps. L’enfant, qui a été maintenu au CP après avis de la commission,  est issu d’une famille multi-recomposée. Y a t-i une vraie place ? Il a chez nous, toujours été dans la provocation et le franchissement de la ligne. Puisse cette histoire lui permettre d’en prendre conscience et de rebondir.

         Plus d’une heures d’échanges plus tard, le père semble convaincu et bascule dans l’excès inverse : son fils va être terriblement puni. Couché tôt chaque soir, Noël et réveillon inclus, plus de cadeaux, etc… Il nous faudra encore y consacrer du temps.

Quel boulot !

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Commentaires
S
Bonjour,<br /> Journaliste pour un documentaire, je recherche des familles recomposées qui souhaitent témoigner de leur quotidien (emménagement tous ensemble, premier bébé ensemble, vos bons et plus difficiles moments passés ensemble..)<br /> Si vous êtes intéressés, contactez moi au 01 44 25 02 16 ou sur solene.choplain@yahoo.fr<br /> A très vite, Solène
A
...merci pour cette chronique. Il est vrai qu'en tant que parents, nous ne nous imaginons pas toujours tout le travail qui se cache derrière cette fonction de directeur que vous occupez. <br /> Je dois dire que si j'étais une maman investie dans les structures d'enseignement au début de la scolarité de mes garçons, l'inertie de l'administration que vous décrivez (face aux demandes des parents et des enseignants - sans parler des enfants eux-mêmes) m'a dégoûtée et fait démissionner. Je m'en tiens à présent à aider mes enfants et leurs copains avec leurs devoirs, et à ouvrir leur curiosité sur le monde... Mais je ne me mêle plus de l'école du tout. A mon grand dépit... Il est vrai qu'on semble prendre tout le monde à rebrousse-poil et que du coup, il finit par y avoir démissions et colère.<br /> Je voulais vous féliciter pour votre investissement, votre ouverture d'esprit, et le travail quotidien que vous faites.<br /> Merci, tout simplement...<br /> Angélique Biller, Strasbourg
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