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Le quotidien d'un directeur d'école
9 février 2006

Chaos urbain le besoin d'école

Encore une lecture de vacances:

Sophie Ernst, philosophe et chargée d'étude à l'Institut national de recherche pédagogique.

 

Les enquêtes réalisées sur les violences urbaines par toutes sortes d'institutions ayant à en connaître (justice, police, école, travail social...) ont mis en évidence avant tout la dimension sociale et globale : banlieues enclavées, pluriethniques, grande pauvreté, familles nombreuses, chômage, échec scolaire. Il est hors de doute que ces facteurs touchant globalement une population sinistrée sont essentiels. Cela étant, en rester à une description ne nous donne aucune prise pour comprendre les passages à l'acte ni pour y remédier.

C'est une petite partie des jeunes qui passent à l'acte et pas n'importe lesquels : les études révèlent des êtres qui sont bien moins intrinsèquement violents que perturbés et gravement immatures, au sens où ils n'ont pas intégré des apprentissages minimaux de maîtrise de l'émotivité, de l'impulsivité et ne sont pas à même de se poser comme sujets si peu que ce soit autonomes (cette analyse concerne le gros des troupes, non pas les meneurs, dont le profil est sensiblement différent). Le trop court circuit de l'explication par le chômage et les discriminations occulte une difficulté majeure qu'il faudra bien surmonter ` ces jeunes qui basculent dans des comportements anomiques, souvent autodestructeurs, parfois délinquants, sont difficilement employables, à peu près pour les mêmes raisons qui les rendaient difficilement scolarisables...

On a affaire à des individus dont la subjectivité est en grave souffrance, notamment du point de vue de la liaison du temps vécu : enfermement dans le présent, difficultés à réaliser les conséquences d’un acte, encore plus à l’anticiper, chaîne temporelle dangereusement hachée, difficulté à se mettre en pensée à la place d’autrui. Toute situation est structurée de façon binaire, dans la "dépréciation stéréotypée des " autres " : territoire - étranger au territoire, eux-nous, gagnant-perdant, fort-faible…

Le tableau nous présente en creux les finalités des apprentissages premiers de l'école. Toute prévention devrait d'abord concentrer ses efforts dans l'encadrement éducatif de proximité, dans les établissements scolaires et dans le soutien aux familles, car il est probable que ces ratages éducatifs viennent en partie de déstructurations familiales, dont les causes sont diverses et complexes, jamais réductibles à un seul facteur (et certainement pas à l'islam)./... La différence avec les années 90 est que certaines idéologies ont été abondamment diffusées par des groupes associatifs et politiques, et ont donné lieu à des versions Internet très violentes. Notamment toutes sortes de discours qui héroïsent et justifient les actions violentes en leur fournissant une explication stéréotypée jouant de l'inversion de culpabilité. Ce sont ces discours manichéens qui vont fournir une cohérence et une identité en liant des éléments chaotiques et en leur donnant une apparence de sens. Ainsi, à cette immaturité subjective se superpose une posture d'ex-colonisé, indigène de la République, victime du néocolonialisme républicain, descendant d'esclave, victime du racisme et des discriminations, condamné au chômage ou au rejet sur le seul critère de son appartenance ethnique. Ces idéologies sont d'autant plus propagées et facilement intégrées qu'elles reposent sur une base de vérité, importante à reconnaître et à faire connaître, et que du coup, elles touchent une corde sensible dans l'opinion. ...

exrait de LIBERATION, novembre 2005

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